La logistique du commerce électronique

« Le e-business, ce n’est pas un site Webmarchand isolé ». Celui-ci doit avoir de fortes infrastructures adaptées à la technologie Internet afin de faire face à toutes les demandes des clients.
L'ASLOG (Association Française pour la Logistique) définit la logistique comme étant « l'art et la manière de mettre à disposition un produit donné au bon moment, au bon endroit, au moindre coût et avec la meilleure qualité ».
Nous analyserons tout d’abord les enjeux stratégiques, en terme de choix logistiques (I), pour un site Webmarchand. Ensuite nous aborderons une démarche à suivre pour la mise en place de la logistique (II).



I. La logistique : enjeu stratégique pour le commerce électronique


La logistique revêt une importance stratégique pour les entreprises vendant sur Internet. Néanmoins toutes ces entreprises n’abordent pas cette problématique avec la même vision.

1. De la logistique à la e-logistique

Face à la croissance de l’intérêt porté à la logistique comme facteur clé de succès d’un site Webmarchand, un nouveau concept est entrain de se développer : la elogistique. On peut alors se demander s’il s’agit véritablement d’une logistique nouvelle, spécifique au commerce électronique, ou simplement d’une généralisation des pratiques courantes ?
Selon J.Perry et P.Schneider, le but des activités de livraison et d’entreposage, souvent regroupées sous le terme de logistique, consiste à fournir la bonne quantité du bon produit au bon moment. Les entreprises utilisent de plus en plus la technologie pour atteindre cet objectif.
Les activités de logistique incluent la gestion des déplacements du matériel et des fournitures achetées, ainsi que ceux des marchandises et services vendus. Donc, les activités de réception, d’entreposage, de contrôle de l’inventaire, du contrôle et de la gestion des véhicules, et celles de la distribution des marchandises vendues sont toutes des activités de logistique. Le Web offre plusieurs occasions pour mieux gérer ces activités à un moindre coût, et il offre en plus un lien permanent entre les entreprises impliquées dans la gestion de cette logistique, en passant à la elogistique.

2. Les contraintes de la elogistique

Les difficultés de la logistique dédiée à la vente par Internet sont liées à la fois à la préparation de commande et à la distribution physique. Elles émanent principalement des caractéristiques du client internaute : client final, client universel, client qui a une attente forte en matière de service ou client qui génère des retours pour lesquels il souhaite qu’une solution convenable lui soit proposée.
Les clients sont donc au coeur de la problématique de la elogistique. Cette problématique est sous tendue par deux familles de difficultés : celles liées à la préparation de commande (a) et celles liées à la distribution physique (b).

a. Difficultés liées à la préparation de commande

Ce problème concerne le décalage entre la préparation de la commande dans la logistique traditionnelle et la nouvelle logistique (elogistique). En effet, dans le modèle classique, le commerçant s’approvisionne chez ses fournisseurs pour achalander des magasins et alimenter des rayonnages à partir desquels un client vient prélever ses produits, remplir son panier et porter, par ses propres moyens, les produits à son domicile. Dans le modèle du ecommerce, c’est le préparateur de commande (du cybermarchand ou du prestataire auquel il a confié cette activité) qui va prélever les produits, à l’unité, dans les rayonnages de l’entrepôt. Cette nouvelle offre induit les changements suivants :

  • Modification de l’unité logistique traitée : on passe en effet de conditionnements de type palettes/ cartons à des conditionnements cartons/ unités.
  • Le problème du fractionnement des commandes : dans la majorité des cas, les commandes sont composées de plusieurs articles différents. Le foisonnement de ces cas particuliers a tendance à parasiter le système de préparation de commandes et être à l’origine d’erreurs dues à la co-existence de plusieurs espaces de préparation de commande et à la prise en charge d’une même commande successivement par plusieurs préparateurs.


b. Difficultés liées à la distribution finale

La principale caractéristique du commerce électronique B to C est la nécessité de livrer individuellement des clients finaux. Du coup se pose le problème du dernier kilomètre à parcourir pour acheminer un petit colis vers son destinataire final. Selon J-J Rechenmann, ce n’est pas livrer vite qui compte, mais de livrer au bon moment, c'est-à-dire au moment où le consommateur est prêt à recevoir sa commande à son domicile.
Les innombrables expériences malheureuses de sites de commerce électronique tombés dans l’oubli sont dues à la logistique. Les difficultés liées à cette nouvelle forme de distribution sont :

  • La livraison à domicile : l’acheminement des colis au domicile du client pose plusieurs problèmes (la fenêtre de temps restreinte où le client est à son domicile, les difficultés d’accès au domicile, l’impossibilité de livrer parce que le client n’est finalement pas à son domicile, etc.).
  • Le fractionnement des commandes : les volumes à livrer sont relativement faibles et imposent une livraison de type Express. L’entreprise est donc amenée à gérer une flotte beaucoup plus importante de véhicules de petite taille (camionnettes, etc.) afin de livrer chacun de ses clients.
  • L’étendue géographique : l’étendue géographique du marché ouvert aux emarchands est mondiale. Toutefois, ces derniers ne peuvent pas livrer tout le monde (la plupart des sites limitent leur offre de livraison (gratuite ou forfaitaire) à des espaces géographiques nationaux ou régionaux).
  • L’exigence de service : le econsommateur est en attente d’une relation de service particulièrement privilégiée (délai de livraison conforme et fiable, etc.). Toutefois, il apparaît très difficile de satisfaire chacun des cyberclients à part.


II. Les déterminants de la mise en place de la logistique



1. La qualité de l’offre logistique

La caractérisation de l’offre logistique se situe au niveau de l’organisation de la livraison (Mode de livraison et délai promis au client) et du tarif facturé au client.

a. L’offre de livraison

Elle concerne à la fois le délai de livraison promis au client et le mode (lieu et horaire) de livraison. Le délai de livraison dépend essentiellement de la proximité géographique et logistique ainsi que de la réactivité du système de préparation de commande. En d’autres termes, il dépend de l’organisation mise en place en back-office. Quant au mode de livraison, il est caractérisé par la possibilité d’être livré à domicile ou à un point de livraison (commerçant, entrepôt, bureau de Poste, loge de concierge) et les horaires du rendez-vous de livraison qui sont fixés par le cyberconsommateur ou par le cybermarchand.

b. Le prix de la livraison

Ce point de l’offre logistique est l’un des plus sensibles pour le client. En effet, un prix de livraison jugé trop élevé peut dissuader d’un achat et ce quelque soit l’intérêt porté au produit.
Conscients de ce poids et dans une volonté évidente de « populariser » le commerce en ligne, beaucoup de cybermarchands avaient commencé par offrir une livraison gratuite.
Chaque cybermarchand sait aujourd’hui que la suppression des magasins n’a pas induit les économies supposées couvrir le coût de la préparation de commande, par conséquent, le choix de gratuité de la livraison n’est pas viable à long terme (pas plus que, globalement, le choix du modèle de gratuité sur Internet). Cette pratique continue cependant d’exister, mais elle concerne plus particulièrement les sites commercialisant les produits à forte marge.

2. L’organisation et la mise en place de la logistique

Nous entendons ici par « organisation logistique », la manière dont les entreprises du commerce électronique organisent leur réseau logistique pour concrétiser l’offre logistique faite au client, c’est à dire, une offre de délai, de mode, de tarif et d’horaire de livraison. C’est en d’autres termes, ce que l’on nomme le back-office et qui constitue la partie immergée de l’iceberg, c’est à dire la partie la plus importante.
Plusieurs axes sont susceptibles de structurer la description de ces organisations. Nous en retiendrons deux :

  • Organisation logistique dédiée au e-business vs organisation s’appuyant sur le réseau traditionnel.
  • Internalisation vs externalisation de l’activité logistique.


a. Structure dédiée vs structure traditionnelle

On peut facilement imaginer que lorsqu’un ecommerçant dispose d’infrastructures logistiques dans son activité hors commerce électronique, il commencera par s’appuyer sur elles pour réaliser ses ventes sur Internet. Ces infrastructures peuvent être des lieux de stockage et préparation de commandes dans des entrepôts, plates-formes ou magasins, ou bien des lieux de picking pour les clients, notamment dans les magasins.

Les transactions du commerce électronique sont clôturées une fois que le client est livré. Cette réalité matérielle du commerce électronique a, au début de cette forme de commerce, été largement sous-estimée, voir ignorée par certaines start-up, les conduisant rapidement à la faillite comme le supermarché en ligne Webvan.

Dans le commerce traditionnel (structure traditionnelle), le client se déplace au point de vente pour acquérir une marchandise et généralement repart avec celle-ci, assurant ainsi une partie du flux logistique (transport jusqu’au point de consommation). Le client va à la marchandise. La logistique aval du point de vente est donc assurée par le client.

Dans le commerce électronique (structure dédiée), c’est l’inverse : la marchandise va vers le client. C’est donc une inversion du flux physique sur la partie logistique aval à laquelle on assiste, avec l’émergence du commerce électronique. Elle n’est pas sans conséquences sur la gestion des flux logistiques.

En effet, contrairement à la logistique traditionnelle du commerce, dans laquelle on livre à un nombre restreint de points de livraison une commande conséquente, le commerce électronique implique la livraison de petites commandes à une multitude de points de livraison, ce qui modifie fortement la problématique des coûts logistiques.

Par conséquent, les distances ne disparaissent pas avec le commerce électronique. Au contraire, les distances augmentent. En effet, les commandes sur un site webmarchand peuvent provenir du monde entier !

Ce qui est fondamentalement modifié dans le commerce électronique, c’est que le coût de cette distance incombe souvent au site webmarchand tant le client ne souhaite pas supporter le coût de cette distance à parcourir.

Dans le domaine du commerce électronique, les attentes des clients sont fortes en termes de délai de livraison, de respect des délais annoncés et de la fiabilité de la livraison. Dès lors, la maîtrise de la chaîne logistique est cruciale, car elle permet de réaliser la promesse du commerce électronique : une commande en quelques clics et une livraison rapide.

b. Internalisation vs externalisation

Il s’agit ici, pour une entreprise de commerce électronique, de se poser la question de « faire ou faire-faire ». Actuellement, on constate que la tendance la plus lourde, dans ce domaine, est en faveur de l’externalisation, tant des transports terminaux que des entrepôts et plates-formes.
Toutefois, l’entreprise peut assurer sa fonction logistique en interne ou aller plus loin et décider de faire faire à l’extérieur, dans des entreprises juridiquement indépendantes. Les raisons de ce choix peuvent être analysées en terme de transaction : les fonctions externalisées exigent des actifs spécifiques, et elles sont gouvernables.

Les entreprises du commerce électronique doivent collaborer avec les nouveaux acteurs spécialisés dans le créneau de la elogistique comme E-liko. Ces prestataires prennent en charge tout ou partie de la chaîne logistique, mais ont l’avantage d’être nés pour le commerce électronique et prennent donc en compte d’emblée ses spécificités au niveau de la livraison, de la préparation de commande et des exigences en systèmes d’information.

Ces nouveaux acteurs, ainsi que les acteurs traditionnels qui évoluent vers la elogistique constituent donc les partenaires sur lesquels un ecommerçant peut s'appuyer pour la construction de son offre de service logistique.

3. Les acteurs de la logistique

Qui dit plus de services logistiques dit obligatoirement des prestataires logistiques d’un nouveau type. On distingue entre autres :

  • Les postes : historiquement, les postes nationales sont des acteurs très compétitifs au niveau national. Le coût d’affranchissement en fait d’une certaine manière le service par défaut. Depuis quelques années, elles connaissent un double mouvement de diversification des services proposés et d’internationalisation, par prises de participations capitalistiques ou partenariats. Leur force nouvelle réside donc dans la diversification de la gamme de services et l’élargissement de la couverture territoriale.
  • Opérateurs de messagerie express (intégrateurs) : très tôt, les opérateurs de messagerie express comme UPS, FedEx ou DHL se sont positionnés comme des interlocuteurs privilégiés des webmarchands.
Ils ont dès les années 1980 investi lourdement dans les systèmes de tracing-tracking, ce qui leur a permis d’être les premiers à proposer cette valeur ajoutée informationnelle qui intéresse aujourd’hui le consommateur final.
Par ailleurs, la rapidité de livraison, en J+1 (jour+1) pour les grands axes, coïncide avec l’image de la vente sur l’internet, image sur laquelle elles ont capitalisé.
Enfin, la qualité de leur desserte internationale et leurs accords de dédouanement rapide en font des acteurs de poids pour les expéditions hors des frontières.
Toutefois, le coût de la prestation logistique d’un intégrateur pèse lourdement sur de nombreux achats par l’internet, réduisant d’autant l’intérêt de ce service haut de gamme pour les emarchands qui ne font pas de l’international leur zone de chalandise prioritaire.

  • Logisticiens et transporteurs : les logisticiens-transporteurs sont traditionnellement des spécialistes de la fonction logistique externalisée des entreprises. Leur savoir-faire et leur degré de spécialisation en font des acteurs privilégiés pour toute une gamme de services demandant la maîtrise de la gestion de gros volumes et du « juste à temps ». L’offre de services est ici pléthorique, mais elle est surtout adaptée aux demandes du commerce entre entreprises (B to B).
  • Coursiers : comme tels, les coursiers incarnent, au niveau local et urbain, la possibilité d’associer rapidité de la prise de commande avec rapidité de la livraison. Ce secteur fortement atomisé connaît encore peu de sociétés spécialisées sur le créneau de la vente sur l’internet. Historiquement, elles sont spécialisées dans les échanges entre entreprises et non dans les livraisons B to C.

Toutefois, on note l’apparition d’entreprises comme Bunny Home Delivery ou E-liko qui ciblent le marché de la course pour les webmarchands. On ne manquera pas de souligner ici que la prise de participation de Chronopost dans E-liko démontre une articulation possible entre cette activité et celle des expressistes.


Sources:
1) Lars Meyer-WAARDEN, Marketing Management, http://meyer-waarden.com
2) Jean-Jacques RECHENMANN, Internet & marketing, Editions d’Organisation, 2ème Edition, Paris, 2001.
3) Kamal CHRAIBI, Logistique et commerce électronique, URL : http://www.faq-logistique.com
4) James T. PERRY et Gary P. SCHNEIDER, E-commerce, Les éditions Reynald Goulet, Canada, 2002.
5) ISAAC Henri, Volle PIERRE, Bréban YANN, Commerce électronique : De la stratégie à sa mise en œuvre, URL : http://www.livre-ecommerce.fr
6) Michel MARCHESNAY, management stratégique, Editions Eyrolles 1993.
7) Albert DAVID et Doudja SAÏDI-KABECHE, Rapport final d’étude, Logistique et transport dans le commerce électronique : stratégie, organisation et processus d’apprentissage « Le cas de Vins.com », ARMINES Centre de Gestion Scientifique, Ecole des mines de Paris, 24 décembre 2002.
8) Jean-Rémi GRATADOUR, La logistique du commerce électronique, article n° 106, URL : http://www.cairn.info

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